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1 La modélisation architecturale
Le Capitole de Dougga est un temple d’ordre corinthien, tétrastyle prostyle pseudopériptère, c’est-à-dire que la cella est précédée d’un portique composé de quatre colonnes en façade ; ce portique se retourne sur les flancs de la cella dont une colonne latérale le sépare. Le temple s’élève sur un soubassement peu élevé. Ce soubassement se termine de chaque côté, et en avant du pronaos par deux piédestaux longs, l’un à droite, l’autre à gauche, comprenant entre eux les marches de l’escalier. Les bases de l’ordre sont bien profilées et se composent d’une plinthe surmontée d’un tore inférieur et d’un tore supérieur raccordés par deux scoties séparées l’une de l’autre par une baguette et deux listels.

Les colonnes sont monolithes. Ces fûts sont décorés de vingt-quatre cannelures demi circulaires traitée avec fermeté. Ils sont très légèrement renflés au milieu. Ce renflement est celui qui est indiqué par Vitruve sous le nom d’entasis (Vitruve, lib. III).

Les chapiteaux sont d’un fort beau travail, les feuilles très bien modelées.

Les architraves sont simplement moulurées. La frise est décorée sur sa face principale par une inscription, mais elle est lisse sur ses faces latérales. La corniche de l’entablement et le fronton sont, au contraire, d’une grande richesse de décoration.


1.1 Le vocabulaire

Sur la base de la description qui précède, la première phase du travail a consisté à réaliser une décomposition raisonnée du « Capitole de Dougga » s’appuyant sur les travaux de Jean-Marie Pérouse de Montclos dans « Architecture Vocabulaire. Principes d’analyse scientifique ».

En s’appuyant sur les descriptions des entités architecturales on déduit les fonctions de modélisation les plus adaptés à l’établissement d’un certain nombre de «primitives architecturales» pour constituer l’environnement de modélisation tridimensionnelle adéquat. L’atelier logiciel choisi est Maya d’Alias Wavefront et son langage de programmation MEL (Maya Embeed Language).

L’opération a été conduite en cherchant à obtenir un vocabulaire de formes tridimensionnelles univoques dont les sous-entités peuvent être géré sous forme de paramètre et surtout en cohérence avec les termes du vocabulaire architectural utilisé.


1.1.1Le stylobate

Soubassement portant une colonnade et, par extension, une ordonnance de pilastres.


1.1.2La colonne :


Base

Pied d’un support vertical, formée habituellement d’un corps de moulures et d’une plinthe. Base de l’ordre corinthien, théoriquement formée d’une plinthe, d’un tore, de deux scoties entre filets, séparées l’une de l’autre par deux baguettes couplées , et d’un tore.





Fût

Corps d’une colonne. C’est habituellement un cylindre.

Apophyge. Cavet adoucissant la rencontre du fût avec la base ou avec le chapiteau.

Colonne Galbée. Colonne dont la génératrice est un galbe. Ce galbe est généralement une courbe convexe se rapprochant progressivement de la base en haut vers l’axe de la colonne.

Colonne Cannelée. Colonne dont le fût est orné de cannelures verticales.




Chapiteau

Elément formant épanouissement entre le corps de la colonne et la charge. Le chapiteau est essentiellement formé d’un corps (échine ou corbeille) et d’un couronnement (abaque ou tailloir, éventuellement l’un et l’autre).




Le chapiteau de l’ordre corinthien est composé d’une corbeille feuillagée et d’un abaque ou d’un tailloir à cornes : sa corbeille est ornée de deux rangs de grandes feuilles et d’un rang supérieur de caulicoles et de crosses. Entre les crosses monte une tige qui porte une Fleur sur le milieu de l’abaque. Le décor feuillagé du chapiteau corinthien est généralement formé de feuilles d’acanthe.

Caulicole. Calice de deux feuilles nouées à leur base et portées par une tigette, lisse ou cannelée, montant du deuxième rang de grandes feuilles.

Crosse. Tige se terminant en volute. Les crosses naissent par deux de chaque caulicole et s’enroulent à leur sommet, les plus grandes sous la corne de l’abaque , les plus petites en son milieu en se réunissant symétriquement.




1.1.3L’entablement

Couronnement horizontal d’une ordonnance d’architecture comprenant une corniche qui couronne elle-même une frise, une architrave, éventuellement l’une et l’autre.

Entablement de l’ordre corinthien, formé théoriquement d’une architrave à trois fasces séparées l’une de l’autre par une baguette ou par des olives, couronnées d’un quart-de-rond ou d’un talon et d’un réglet ; d’une frise ; d’une corniche à larmier et cimaise.





1.1.4Le fronton

Couronnement pyramidé à tympan et cadre mouluré. Le tympan peut être plus ou moins ajouré ou ne s’étendre que sur une partie de la surface définie par le cadre, mais il n’y a pas de fronton sans tympan. Le cadre est formé d’une corniche et de deux rampants, c’est-à-dire d’une corniche horizontale et de deux corniches rampantes. Les rampants ont généralement la même mouluration que la corniche, à la réserve que celle-ci n’a pas de cimaise.

Le fronton a un tracé théorique, qui crée un rapport de proportion idéal entre sa hauteur et sa plus grande largeur. Ce rapport est de 5/24, soit à peu près 1/5.





1.2 Proportions suivant Vitruve

En regardant la façade du Capitole de Dougga, on retrouve la distinction donnée par Vitruve, qui dit que l’édifice doit être ordonné :

1° avec symétrie, c’est-à-dire que ses différentes parties aient en nombre une mesure commune (le module) comme dans le corp humain (lib.I, cap, II) le rapport des pieds, des mains, etc., entre eux ;

2° avec la proportion convenable, c’est-à-dire un rapport entre les parties de l’ouvrage et le tout, rapports qu’ils détermineront ensemble (lib.III, cap.I).

Ceci posé, on peut examiner l’édifice avec le texte de Vitruve à la main.


1- L’eustyle est la proportion d’entre-colonnement reconnue comme la plus convenable, et comme commodité, et comme aspect, et la plus raisonnable au point de vue de la solidité : les intervalles (de nu à nu) doivent être de 2 diamètres 1/4.




2 - Si le temple doit être tétrastyle on divise la dimension transversale de l’espace qu’il doit occuper en 11 parties et 1/2, non comprises les saillies du soubassement et des bases des colonnes. – Cette division I/11,5 sera le module.




3 - Pour les faces latérales on prendra deux fois le nombre des entre-colonnements de face.





4 - La hauteur des colonnes sera de 8 modules 1/2.





5 - Le chapiteau corinthien aura pour hauteur toute l’épaisseur du haut de la colonne ; lorsqu’on ajoute 2 parties (2/12) du diamètre à  cette mesure pour l’hauteur du  chapiteau, l’aspect acquirent de l’élégance.




6 - La hauteur du chapiteau avec l’abaque égale le diamètre du bas de la colonne et la largeur de l’abaque d’un angle à l’autre est égale à la longueur des diagonales du carré construit sur la hauteur du chapiteau comme côté.




7 - La longueur de l’édifice se détermine de façon que la largeur soit la moitié de la longueur et que la cella soit d’un quart plus longue que la largueur (en y comprenant l’épaisseur du mur dans lequel est pratiquée la porte) de façon que la cella ait 5 parties et les trois autres soient données au pronaos.





1.3 Proportions suivant un tracé géométrique

Les tracés géométrie constituent un outil d’ordonnancement et de coordination dimensionnelle facilitant la mise en œuvre des constructions. Ce sont ces geometricae rationes qui s’appuient sur les propriétés du triangle de Pythagore dont Vitruve parle sans exposer le détail, « cette proportion est utile dans beaucoup de cas, et pour la conception des édifices et pour les mesures ».


1 - Si on examine la facade du Capitole, on remarque que la ligne parallèle AB, hypoténuse du triangle de Pythagore, issue de l’axe de la colonne de gauche dans la partie inférieure de la plinthe, coupe l’axe de la colonne extrème de droite à une hauteur correspondant au niveau de sommet du fronton




2 - Les lignes issues des tores de la base de la I° colonne et parallèles à AB coupent l’axe de la III° colonne en différents points qui donnent la hauteur de l’architrave, de la frise et d’une partie de la corniche. Le sommet de celle-ci est donné par la ligne G issue de l’axe de I au milieu  de la hauteur du fût.




3 - La ligne issue du milieu de l’abaque de la II° colonne donne la hauteur de la corniche sous le tympan du fronton.





2 Le relevé et la modélisation à partir des photos

La cohérence introduite par les environnements de modélisation s’appuyant sur les photos se manifeste par la possibilité de considérer la photographie, principal outil d’enregistrement du réel, comme le support unique de mesure, de raisonnement, et de communication d’un problème de restitution ou de représentation architecturale.

Le centre d’un problème de restitution est l’établissement d’une relation entre le monde réel et le modèle théorique sur la base des opérations de relevé, de modélisation et de représentation.

La première étape consiste à établir une relation entre la position dans l’espace 3d des caméras, des points et des images de fond, ce que dans la terminologie relative aux environnements de la photo-modélisation s’appelle la détermination des points de vue.





2.1 La détermination des points de vue

Imagemodeler utilise des images calibrées pour la reconstruction 3D. On peut utiliser des photographies et/ou des séquences vidéo. La calibration des cameras se fait à l’aide d’indices pertinents (points 2D) que l’on retrouve sur au moins trois images. Ces points sont désignés manuellement en essayant de couvrir une large zone dans les images et dans les 3 directions de l’espace. Six points 2D communs sont donc nécessaires.

Les outils disponibles aujourd’hui issus de la recherche sur l’Image-based Modeling offre une bibliothèque de primitive géométriques très limitée (sphère, cône, cube, cylindre, etc.) insuffisances pour modéliser dans le détail les éléments qui caractérisent les édifices classiques. De même, les modeleurs géométriques classiques tels qu’Autocad ou d’autres ne permettent pas une manipulation aisée de nos objets, ni une visualisation 3d en temps réel.


Nous avons donc choisi de développer un outil d’aide à la reconstruction 3d « complexe » des architectures patrimoniales sous le langage MEL (Maya Embedded Language) dans l’environnement de Maya, Alias Wavefront. En effet, Maya offre des outils de modélisation de haut niveau et les fonctions liées aux traitements des textures et de l’éclairage nécessaires pour les opérations de visualisation des résultats. De plus, certaines fonctions de Maya permettent la superposition d’une scène 3D sur un fond image. Cette image est associée à une caméra. Plusieurs caméras et donc plusieurs images peuvent être utilisées en même temps. Les fonds d’images sont des projections dans l’espace des images capturées par les appareils photos utilisé pour le relevé.

L’image (la photographie) constitue, donc, le support de la modélisation effectuée en s’appuyant sur les descriptions des formes architecturales (morphologie et ordonnancement) que la discipline de la représentation architecturale a développé et qui constituent pour nous le code univoque pour « lire » le patrimoine bâti.


2.2 Le tracé géométrique comme interface de reconstruction 3d

Dans les paragraphes précédents, nous avons décrit l’opération de modélisation des connaissances architecturales sous forme d’un vocabulaire. Celui-ci constitue une bibliothèque d’éléments, décrits selon les connaissances déduites des traités d’architecture de l’époque romaine (Vitruve), mis en relation par les règles de base des processus de production des édifices antiques dans le cas spécifique des temples tétrastyles d’ordre corinthien.




C’est à partir de cette approche que nous avons compris qu’une des façons pour observer, comprendre et décrire une architecture peut utiliser comme interface « le tracé » qui constitue la représentation graphique du processus qui l’a conçue. Nous utilisons donc les tracés géométriques comme interface de reconstruction tridimensionnelle, les primitives restent liées à tout moment aux systèmes de relation que le tracé synthétise.






4 Bibliographie

J. M. Pérouse De Montclos, Architecture vocabulaire. Principe d’analyse scientifique. Imprimerie Nationale, Paris, 1997

Vitruve, Les dix livres d’Architecture. traduction de Claude Perrault 1684. Pierre Mardaga 1988

Aaron E. Walsh, Michael Bourges-Sévenier, Conception WEB 3D, Pearson Education, Paris, 2001

Mustapha Khanoussi, Dougga. Ministere de la Culture - agence de mise en valeur du Patrimoine

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Livio De Luca. April 2009, Portal of Architectural Image-Based Modeling

 

Photomodélisation par primitives architecturales

Application au Capitole de Dougga, Tunisie
Extrait de : Livio De Luca - “Introduction des connaissances dans la chaîne Relevé-Modélisation-Représentation”. Mémoire du DEA MCAO 2001 - Université Aix-Marseille III.

Livio De Luca, UMR CNRS/MCC 694 MAP-Gamsau
livio.deluca@gamsau.archi.fr

L’approche qui a guidé le travail de relevé et de représentation du capitole de Dougga s’appuie sue la notion de modèle architectural et utilise comme moyen d’acquisition de données 3D la photographie numérique.

La première étape consiste à décrire de façon théorique l’objet relevé (le modèle), ici le capitole et son environnement immédiat. Cette phase consiste à identifier le vocabulaire qui permet d’exprimer de façon univoque les éléments constituant l’édifice ainsi que les règles de composition qui en régissent l’ordonnancement. Nous nous appuyons pour cela sur les traités d’architecture qui capitalisent le savoir et le savoir faire de l’art de bâtir. Les photos sont ensuite utilisées pour dimensionner ce modèle et construire les représentations architecturales souhaitées.

Nous présentons ici de façon descriptive les différentes étapes qui nous permettent de passer du « modèle » à la « maquette numérique », c’est-à-dire à l’expression informatique de la représentation de l’édifice étudié. Nous pensons avoir démontré par ce travail la faisabilité de la méthode ainsi que l’intérêt de la modélisation s’appuyant sur la photographie pour extraire non seulement la mesure et la morphologie de l’objet mesuré mais aussi « sa peau, sa texture » qui distingue fondamentalement un édifice particulier de son modèle théorique.